Qui lance un œuf, lance un bœuf (un proverbe politico-médiatique).

Qui lance un œuf, lance un bœuf (un proverbe politico-médiatique).

Geste facétieux quoi qu’un peu condamnable Attentat dans le Tarn-et-Garonne : un retraité terroriste a lancé un œuf sur la tête de violemment agressé Jordan Bardella”.

“La patronne d’une organisation syndicale terroriste a été mise en examen pour avoir souligné l’irresponsabilité des insulté violemment les grands patrons français.”

La réaction des médias français face aux événements de ces derniers jours, notamment, “l’affaire” de l’œuf lancé sur la tête de Jordan Bardella et la mise en examen de Sophie Binet, est révélatrice de la catastrophe qui nous attend en 2027 si la banalisation quotidienne du RN et de ses idées, couplée avec la criminalisation (j’exagère à peine) grandissante des idées de gauche, perdure.

C’est un fait. Et c’est déplorable : largement commentée dans les médias, la plainte de Jordan Bardella à l’encontre du septuagénaire ayant eu l’outrecuidance de lui jeter un œuf sur la tête n’a pas vu une seule fois son bien-fondé clairement remis en cause par les journalistes. L’homme qui, il y a trois ans, avait amusé la galerie en lançant (aussi !) un œuf sur la tête d’Eric Zemmour se voit ainsi cette fois-ci condamné par la majeure partie des commentateur-ices politiques avec véhémence et le plus grand sérieux, pour avoir, soit-disant, fait preuve de “violence politique”. 

Ce monsieur serait donc le symptôme d’un phénomène comparable à l’extrême violence dont certain-es militant-es (souvent d’extrême droite) se rendent coupables à l’encontre d’adversaires politiques, d’élu-es ou même d’enseignant-es, voire aux assasinats et tentatives d’assassinat ayant récemment eu cours aux États-Unis. Chacun-e y va ainsi de sa petite condamnation face au geste du retraité, tel Christophe Barbier affirmant sur LCI que “tout cela est inquiétant parce que c’est le symptôme d’un effondrement », ou encore Renaud Dély estimant, sur France Inter, que “ces violences envers les élus ne sont pas nouvelles” et que “l’indulgence dont elles peuvent bénéficier dans les discours des politiques eux-mêmes, finit par les légitimer.” 

La condamnation médiatique quasi unanime de ce qui, il y a à peine quelques années, aurait été considéré comme une blague de potache (mauvaise, certes) à l’encontre du représentant d’un parti populiste, illibéral et réactionnaire fondé par des Waffen SS, en dit long sur l’état de notre démocratie et sur sa capacité, actuelle et future, à combattre la menace qu’il représente pour la France et pour l’Europe. 

Non, Jordan Bardella n’est pas un élu comme un autre.

Non, le Rassemblement National n’est pas un parti comme un autre.

Non, jeter un œuf sur la tête d’un candidat d’extrême droite poutinolâtre qui caracole en tête des sondages n’est pas assimilable à de la “violence politique”. 

Oui, condamner ce geste aussi fermement que s’il s’agissait de menaces de mort ou d’une grave atteinte à l’intégrité physique d’une personne est irresponsable. 

Oui, traiter médiatiquement Jordan Bardella comme s’il s’agissait d’un élu comme les autres est dangereux pour la survie de notre démocratie. 

Surtout lorsque dans le même temps, la mise en examen de Sophie Binet pour n’avoir, peu ou prou, absolument rien dit, semble ne choquer personne. 

“Les rats quittent le navire”. Voilà comment la patronne de la CGT a eu le malheur de décrire les grands patrons français qui menacent de partir le jour où ils devront payer un peu plus d’impôts. Une expression idiomatique française, tout ce qu’il y a de plus classique et neutre, à la limite du suranné. Je dirais même qu’il s’agit d’un euphémisme au regard de l’attitude de ces grands patrons face à la demande légitime d’une plus grande justice sociale et fiscale dans notre pays. 

Appeler à un peu plus de solidarité s’apparenterait dès lors à un délit. Il faut dire que le centre et la droite travaillent d’arrache-pied, depuis de longs mois, à la décrédibilisation de tout discours remettant, ne serait-ce qu’un peu, en cause leur idéologie néolibérale. Pire, n’importe quel discours de solidarité ou de tolérance se voit qualifié de “soviétique”ou de “wokiste”, par toutes celles et ceux qui se réclament du “cercle de la raison”, inversant, constamment, la charge de la preuve afin de faire passer la gauche pour une bande de fous anti-science, déraisonnables et irresponsables. 

Pourquoi tant de haine ? Parce que la droite a tort, et elle le sait. La droite ne vit pas terrée dans un bunker au milieu de la forêt. La droite a parfaitement conscience du dérèglement climatique. La droite sait bien que le tarissement des ressources, que le stress hydrique ne sont pas des fantasmes. La droite a bien vu que la politique de l’offre était un échec. Et elle sait que les inégalités qu’elle a causées ont un impact dévastateur sur la cohésion des citoyen-nes de notre pays. Elle sait aussi que la destruction des services publics met de nombreux-ses Français-es en situation de détresse. Et elle sait que tout ceci contribue à la montée du Rassemblement National. 

Mais la droite s’en fiche, puisque pour survivre, elle est obligée de mentir, de calomnier la gauche pour la disqualifier. La gauche l’encombre parce qu’elle lui met le nez dans le caca de son déni. Alors la droite et ses alliés tentent, de toutes leurs forces, de faire disparaître ce qui menace aujourd’hui leur survie politique : la réalité. 

Et quel meilleur allié pour lutter contre le réel que le RN, champion français des discours populistes, complotistes et mensongers ? La grande alliance de “toutes les droites” (et même du centre) contre la liberté, l’égalité et la fraternité (et par extension, contre la République) est en marche. Et il convient de l’arrêter avant qu’il ne soit trop tard. 

Auteur-ice

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