On connaît tous l’expression.
« Les femmes et les enfants d’abord ! »
Image chevaleresque : les hommes héroïques, prêts à se sacrifier pour sauver épouses, sœurs, mères et marmots. On essuie une larme.
Sauf que… rien n’a jamais été écrit.
Ce n’est pas une règle.
Juste un code moral, né d’un naufrage militaire britannique en 1852.
Et forcément, la Marine, face à la mer, c’est le dernier bastion de l’honneur universel.
Mais dans la réalité des naufrages ?
À part le Titanic, les femmes et les enfants n’ont pratiquement jamais été prioritaires.
Là encore, la légende arrange bien les choses.
Ce code « chevaleresque » repose surtout sur une vision sexiste et paternaliste : les femmes et les enfants seraient faibles, vulnérables, dépendants « des êtres à protéger », jamais des sujets acteurs.
Et pourtant, les enfants. Parlons-en.
Les droits des femmes, oui, on en débat, on proteste, on lutte.
Mais les enfants ?
Cela fait longtemps que l’humanité sait deux choses :
- Les enfants sont vulnérables.
- Ils représentent l’avenir même de notre espèce.
Alors pourquoi, en 2025, les enfants confiés à l’Aide sociale à l’enfance sont-ils en danger en France ?
Pourquoi, alors qu’un rapport parlementaire sur les manquements de la protection de l’enfance a été publié en avril dernier, la ministre du Travail, de la Santé, des Solidarités et des Familles a-t-elle répondu :
« Nous sommes dans une situation budgétaire difficile. Je veux prendre des décisions budgétaires concertées avec les départements. »
Traduction :
On sait que ces enfants sont en danger.
Mais… ça coûte cher.
Pourtant, l’État est responsable.
La Défenseure des enfants, Claire Hédon, l’avait rappelé dans son rapport du 29 janvier 2025 :
Elle a formulé deux recommandations très claires :
- Compenser les charges nouvelles imposées aux départements.
- Augmenter significativement le budget consacré aux solidarités.
Pourquoi ?
Parce que l’État s’est désengagé financièrement de la protection de l’enfance.
Pendant ce temps, les dépenses de l’ASE ont augmenté de 61 % depuis 1998.
Résultat : l’État ne finance que 3 % des 10 milliards d’euros consacrés chaque année à la protection de l’enfance.
Oui, 3 %.
Les départements étouffent.
François Sauvadet (UDI), président de l’Assemblée des départements de France, a écrit au Président de la République pour demander d’arrêter d’asphyxier les départements.
Dans la Loire, Georges Ziegler (LR) a lancé une pétition pour dénoncer une situation devenue intenable.
15 départements sont aujourd’hui au bord de la faillite.
Pourquoi ?
Parce que les collectivités locales n’ont pas le droit d’être en déficit.
Elles n’ont pas le droit d’avoir des dettes.
Mais elles ont des dépenses obligatoires :
- Le RSA
- L’APA (allocation personnalisée à l’autonomie)
- Et la prise en charge des enfants confiés à l’ASE
Or les placements augmentent, notamment parce que la pauvreté est devenue un critère de retrait d’enfant.
Un 2 pièces pour 5 ? Même si tout le monde va bien, cela peut suffire pour retirer un enfant.
La criminalisation de la pauvreté.
Et si on paie moins les foyers et les familles d’accueil ?
Moins de formation.
Moins d’encadrement.
Plus de maltraitance.
Parfois pire.
Ce ne sont que des enfants.
Et un enfant, on ne l’écoute pas.
Et pourtant, on sait. On sait tout.
Il y a un an, la commission d’enquête parlementaire a révélé des faits que l’on refusait de voir :
- des jeunes filles placées qui se prostituent,
- des enfants violés dans des foyers,
- des enfants ballotés de familles maltraitantes en familles maltraitantes,
- leur parole ignorée.
Sans oublier la mécanique silencieuse, presque banale :
- 25 % des SDF sont issu·es de l’ASE
- Seuls 12 % des jeunes confiés à l’ASE obtiennent le bac.
Alors comment, en un an, peut-on déjà oublier ?
Il est temps de regarder. Et d’agir.
Mesdames et Messieurs les parlementaires,
Vous qui votez les budgets locaux :
Relisez le rapport d’Isabelle Santiago.
Chaque enfant peut, un jour, être confié à l’ASE.
Chaque enfant a des droits.
Et nous avons le devoir collectif, moral et politique de les protéger.
Les enfants d’abord.
Vraiment.
Pour aller plus loin :
Budget 2026 : les départements crient à l’aide
Defenseur-des-droits-Decision-Cadre-Protection-de-l-enfance.pdf