Cet article aborde des crimes de masse et des violences extrêmes, reconnus juridiquement comme génocides. Certaines descriptions peuvent être difficiles à lire.
Le mot « génocide » a été forgé en 1944 par le juriste Raphaël Lemkin, pour décrire l’extermination systématique des Juifs d’Europe par les nazis. Depuis 1948, il est défini par la Convention des Nations unies pour la prévention et la répression du crime de génocide comme « l’un quelconque des actes commis dans l’intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, comme tel ». Contrairement au crime contre l’humanité, qui vise une population civile de manière généralisée, le génocide cible un groupe spécifique, avec une volonté claire de le faire disparaître.
Les actes constitutifs sont variés, mais l’élément clé reste l’intention : sans preuve que les auteurs voulaient détruire le groupe en tant que tel, on ne peut parler de génocide.
Les cinq actes constitutifs du génocide
1- Le meurtre de membres du groupe (ex. : extermination massive des Juifs dans les camps nazis).
2 – L’atteinte grave à l’intégrité physique ou mentale (ex. : violences systématiques, tortures, mutilations,…).
3 – La soumission intentionnelle à des conditions d’existence devant entraîner sa destruction (ex. : famines organisées, déportations vers des zones hostiles).
4 – Les mesures visant à entraver les naissances (ex. : stérilisations forcées, interdiction des mariages mixtes).
5 – Le transfert forcé d’enfants vers un autre groupe (ex. : enlèvement d’enfants autochtones au Canada, ou d’enfants nés de violences au Rwanda).
Comment prouver l’intention génocidaire ?
L’intention ne se devine pas : elle se documente. Les tribunaux internationaux recherchent des preuves directes ou indirectes :
Discours et propagande : Au Rwanda, la radio RTLM diffusait des appels comme « Tuez les cancrelats tutsis », et des listes de personnes à abattre étaient publiées dans les journaux. En Allemagne nazie, Hitler déclarait en 1939 : « Aujourd’hui, je serai encore un prophète : si la finance juive internationale en Europe et hors d’Europe devait parvenir encore une fois à précipiter les peuples dans une guerre mondiale, alors le résultat ne serait pas la Bolchevisation du monde, donc la victoire de la juiverie, au contraire, ce serait l’anéantissement de la race juive en Europe. »
Législations et ordres écrits : Les lois de Nuremberg (1935) privaient les Juifs de leur citoyenneté, préparant leur exclusion puis leur extermination. En 1915, le gouvernement ottoman ordonnait la déportation des Arméniens vers des déserts, avec pour consigne : « Liquidation totale » dans certains télégrammes.
Méthodes systématiques : Au Rwanda, les milices Interahamwe recevaient des listes de Tutsis à tuer, maison par maison.
Ciblage sélectif : Les victimes sont choisies uniquement pour leur appartenance au groupe. À Srebrenica, seuls les hommes et garçons musulmans étaient exécutés, car considérés comme une menace démographique pour les Serbes de Bosnie.
Des exemples historiques pour comprendre
1. Le génocide arménien (1915–1916)
Reconnu par de nombreux États et historiens, il illustre la planification étatique : l’Empire ottoman a organisé la déportation et l’extermination de plus d’un million d’Arméniens, accusés de menacer l’unité nationale. Les massacres, les marches de la mort et les camps de concentration visaient à effacer toute présence arménienne en Anatolie. Les archives montrent des ordres explicites de « nettoyage » ethnique, signés par les plus hautes autorités.
2. La Shoah (1941–1945)
La destruction des Juifs d’Europe par l’Allemagne nazie est l’archétype du génocide : industrialisation de la mort (camps d’extermination, chambres à gaz, vagues massives d’assassinats par fusillade), idéologie raciale (les Juifs considérés comme une « race inférieure »), et bureaucratie du crime (conférence de Wannsee, listes de déportation). Ici, la volonté d’anéantissement était totale et méthodique, sans distinction d’âge ou de sexe.
3. Le génocide des Tutsis au Rwanda (1994)
En trois mois, près d’un million de Tutsis et de Hutus modérés ont été assassinés par les milices extrémistes hutues. Les tueurs utilisaient des machettes, des armes à feu, visaient les nouveau-nés et pratiquaient la violence sexuelle de masse comme stratégie délibérée afin de dégrader, humilier et détruire les Tutsis. Les tribunaux internationaux ont souligné la préméditation et la propagande de haine, prouvant l’intention génocidaire.
4. Srebrenica (1995, Bosnie)
Reconnu comme génocide par la Cour internationale de Justice, le massacre de 8 000 hommes et adolescents musulmans par les forces serbes de Bosnie ciblait une communauté en raison de son identité religieuse et ethnique. Les bourreaux voulaient « purifier » la région de toute présence.
Un crime imprescriptible
La Convention de 1948 oblige les États à prévenir et punir le génocide. Depuis, des tribunaux internationaux (Rwanda, ex-Yougoslavie) ont condamné des responsables, prouvant que personne n’est au-dessus des lois. Pourtant, des débats persistent : certains massacres (Cambodge, Darfour) sont parfois qualifiés de génocide par des experts, mais pas toujours par la justice, faute de preuves d’intention suffisantes.
Une chose est sûre : tant que l’humain oubliera que chaque groupe porte en lui une part irremplaçable de notre humanité commune, le spectre du génocide planera, rappelant que la haine n’a besoin que de silence et d’indifférence pour prospérer.
Sources :
Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (ONU, 1948) :
Texte intégral (ONU)memorialdelashoah.org+2
Fiche explicative de l’ONUun.org+1
Définition et caractères du génocide
Mémoire des génocides et prévention
Les génocides et crimes de masse depuis le XIXe siècle
Le siècle des génocides
Les génocides dans le monde
Article « Génocide »