90’s : Quand l’extrême droite instrumentalisait la cause palestinienne

90s : Quand l’extrême droite instrumentalisait la cause palestinienne
© Blandine Le Cain

Dans les années 1990, le Groupe Union Défense (GUD), groupuscule violent d’extrême droite, écrit ces mots partout sur les murs de la capitale : « À Paris comme à Gaza, Intifada », ce slogan est accompagné d’un rat noir coiffé d’un keffieh. 

À l’époque, ce soutien affiché à la Palestine n’a rien d’un engagement politique : il s’agit d’une provocation antisystème, mêlant antisionisme radical et antisémitisme. Le GUD, connu pour ses actions violentes, utilise la cause palestinienne comme un outil de subversion.

Pour Christian Bouchet, figure historique de la mouvance nationaliste-révolutionnaire, ce soutien s’inscrit dans une tradition de sympathie pour certains régimes arabes laïcs, comme le Baas syrien, et s’appuie sur un antisionisme radical, souvent teinté de complotisme.

François Duprat, ancien numéro deux du Front National et théoricien de l’extrême droite, avait d’ailleurs œuvré dès les années 1960 à la construction d’un antisionisme d’extrême droite, créant même un « Rassemblement pour la libération de la Palestine ». Mais derrière ces gestes spectaculaires se cache une réalité plus sombre : l’instrumentalisation de la souffrance palestinienne pour alimenter une rhétorique anti-juive et anti-israélien.

Le revirement stratégique : du keffieh au soutien à Israël, une alliance de raison

Depuis les années 2010, l’extrême droite française a opéré un virage spectaculaire : exit le keffieh et les slogans pro-palestiniens, place à un soutien affiché à Israël. Ce changement s’explique par plusieurs facteurs. D’abord, l’évolution du paysage politique israélien, où l’extrême droite nationaliste et religieuse — incarnée par des figures comme Itamar Ben-Gvir ou Bezalel Smotrich — est désormais au pouvoir. Le RN y voit un allié naturel, partageant une vision sécuritaire, anti-immigration et anti-islam. De nombreux partis européens d’extrême droite, comme le Vlaams Belang en Belgique ou le FPÖ en Autriche, ont adopté la même posture, voyant en Israël un modèle de « fermeté » face à l’islam politique et à l’immigration.

En France, ce revirement est flagrant. Marine Le Pen, qui avait autrefois tenu des propos ambigus sur la Palestine, a clairement choisi son camp en condamnant sans réserve les attaques du Hamas, tout en dénonçant les « violences importées » en France par les manifestations pro-palestiniennes. Jordan Bardella, président du RN, a même accusé les soutiens à la Palestine d’être des « complices » du terrorisme, reprenant ainsi les éléments de langage de la droite israélienne la plus dure. Ce positionnement permet au RN de séduire une partie de l’électorat juif français, tout en renforçant son image de parti anti-islamiste auprès de son socle traditionnel.

Ce soutien à Israël n’est pas seulement symbolique : il s’inscrit dans une stratégie plus large de normalisation. En 2021, des élus du RN ont participé à des voyages organisés en Israël, rencontrant des responsables politiques de l’extrême droite israélienne, comme ceux du parti Otzma Yehudit. Autrefois impensables, ces liens illustrent une convergence idéologique entre les deux extrêmes droites.

Une instrumentalisation permanente 

Hier, l’extrême droite détournait la cause palestinienne pour attaquer les Juifs ; aujourd’hui, elle soutient Israël pour mieux cibler les musulmans. Le discours a changé, mais la méthode reste la même : exploiter les tensions internationales pour alimenter les divisions en France. Que ce soit par le keffieh ou par le drapeau israélien, l’objectif est toujours le même — servir un agenda politique fondé sur la peur de l’autre.

Pour aller plus loin :

Wikipédia : Relations entre l’extrême droite européenne et Israël 

Slate : L’extrême droite française s’écharpe autour du conflit Israël-Hamas

Cairn.info : L’émergence d’une judéophobie planétaire

StreetPress : La guerre Israël-Hamas divise l’extrême-droite française

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