États-Unis – La politique de la hache de Musk désorganise l’administration et fragilise l’État fédéral.

États-Unis : la politique de la hache de Musk désorganise l’administration et fragilise l’État fédéral
Elon Musk © Daniel Oberhaus

Après des coupes massives dans la fonction publique, la General Services Administration tente de réembaucher en urgence les salarié-es poussé-es vers la sortie par Elon Musk et le Département de l’Efficacité gouvernementale. Un fiasco révélateur d’une stratégie qui dépasse les effets d’annonce et menace directement les services publics américains.

Un quart des effectifs manquants, et c’est toute une administration qui vacille. Ce déséquilibre, aujourd’hui criant, n’avait pas été anticipé par Elon Musk lorsqu’il a imposé, plus tôt cette année, le départ de 24 % des employé-es de la General Services Administration (GSA). Désormais paralysée, l’agence fédérale chargée de gérer l’immobilier de l’État américain tente aujourd’hui de les convaincre de revenir : une note interne révélée le 24 septembre par l’Associated Press donne aux agent-es concerné-es jusqu’à la fin de la semaine pour dire s’ils acceptent de réintégrer leur poste le 6 octobre. Celles et ceux qui choisiront de revenir auront, de fait, passé près de sept mois rémunérés sans travailler, le DOGE leur ayant proposé un dédommagement financier s’ils acceptaient de quitter leur emploi. Une proposition qui avait séduit pas moins de 2 100 personnes, soit environ 16 % des 12 000 salarié-es que comptait alors l’agence fédérale. En parallèle, plusieurs centaines d’autres employé-es avaient été licencié-es dans le cadre d’une réduction d’effectifs menée tambour battant. Résultat, l’agence s’est retrouvée exsangue.

Une politique de la hache aux effets dévastateurs

Ce fiasco est loin d’être isolé. Il ne fait que s’inscrire dans une trajectoire déjà bien documentée. En juin, le « Manhattan Project » pour l’efficacité de l’État promis par Donald Trump s’était révélé être un pétard mouillé. Sur les 1 000 milliards d’économies annoncées, seules 175 milliards ont été, peut-être, réalisées — et encore, sur la base de chiffres opaques. Derrière le discours sur la rationalisation, la logique est restée la même : dénigrer les fonctionnaires, sabrer les budgets, casser les services.

À l’époque, une part de la droite française applaudissait pourtant Elon Musk et sa politique de desctruction massive de l’État. Valérie Pécresse saluait la création d’un « comité de la hache anti-bureaucratique ». Guillaume Kasbarian, alors ministre de la fonction publique, félicitait Musk pour sa volonté de réduire l’État fédéral à son strict minimum. Mais l’expérience américaine montre surtout les conséquences concrètes de ce type de politique : une administration désorganisée, des économies illusoires, et une facture accrue pour les citoyens.

Neuf mois plus tard, la marche arrière de la GSA illustre les limites d’une approche qui, à force de viser la démonstration politique, finit par désorganiser l’administration et alourdir la charge pour les contribuables. Déjà, en février 2025, la National Nuclear Security Administration (l’agence qui gère le nucléaire américain), a voulu rappeler en urgence des employé-es congédié-es la veille afin de les réintégrer. En vain, l’agence ayant supprimé toutes leurs coordonnées. À peine quelques semaines plus tard, en mars, ce fut au tour du ministère fédéral de l’Agriculture d’inviter 5 000 employé-es fraîchement licencié-es à retrouver leur emploi en son sein.

Une politique qui ne fait que fragiliser encore davantage des secteurs pourtant déjà en piteux état

En plus d’être (selon toutes apparences) inefficace, cette politique de la hache fragilise des secteurs entiers déjà en difficulté. Dans la santé, par exemple, les États-Unis affichent des indicateurs pour le moins alarmants : un bilan désastreux pendant le Covid, une espérance de vie qui a reculé jusqu’en 2023 (notamment du fait de la crise des opioïdes), avant de repartir légèrement à la hausse, sans pour autant retrouver les niveaux d’avant la pandémie. Elle est désormais inférieure, pour les américain-es plus privilégié-es, à l’espérance de vie des européen-nes les plus pauvres. Des chiffres désastreux en termes de santé qui ne sont pas prêts de s’améliorer. En août 2025, la Cour suprême a validé une coupe de 800 millions de dollars dans la recherche médicale. Et hier, à la tribune de l’ONU, Donald Trump a franchi un pas supplémentaire dans la destruction de la santé américaine (et de la science !) en accusant, sans la moindre preuve, le paracétamol de provoquer l’autisme chez l’enfant, et en déconseillant, par là-même, l’usage pendant la grossesse (alors même que l’ibuprofène et l’aspirine sont contre-indiqués). Une affirmation sitôt contredite par l’OMS.

De la GSA à la santé publique, la logique reste la même : moins d’État et moins de raison, plus de populisme et plus de chaos.