Mais qu’est-ce qu’elles ont encore fait, ces féministes ? Voilà qu’on les accuse d’être vulgaires, outrancières, insupportables.
Sauf que… ces mots-là, « sales connes », ne viennent pas d’un groupuscule énervé.
Non. Ils sortent de la bouche de Brigitte Macron.
La Première dame. La garante supposée du chic français, de l’élégance républicaine.
Remettons les faits à leur place.
Ary Abittan a été accusé de viol. Pas un « malentendu ». Un viol avec lésion constatée, syndrome post-traumatique reconnu. Une plainte qui parle de sodomie forcée.
On sait combien il est difficile de prouver l’absence de consentement quand il n’y a personne d’autre dans la pièce. Et encore plus quand il s’agit d’un couple.
Non-lieu.
Non pas « innocent ». Juste pas assez d’éléments pour poursuivre.
La justice française ne dit pas : « il n’a rien fait ».
Elle ne dit pas non plus : « cette femme ment ».
Ce qui demeure, ce sont deux présomptions :
– la présomption d’innocence
– et la présomption de victime, ce « je te crois » que nous devons à celles qui parlent, quand seules 7 % d’entre elles osent porter plainte pour viol.
Parce que non, les femmes ne déposent pas plainte pour « briser la carrière des hommes ».
Elles déposent plainte pour survivre.
Reprenons le déroulé.
Des militantes du collectif NousToutes interrompent le spectacle d’Ary Abittan le 6 décembre. Elles crient « Abittan violeur ». Parce que voir un homme accusé de viol s’enrichir en racontant son « calvaire » sur scène, c’est une violence symbolique de plus pour sa présumée victime.
Elles dérangent, oui.
Elles bousculent, oui.
Mais qui ont-elles blessé ?
Son ego. Rien d’autre.
On le répète encore puisque cela semble nécessaire :
le féminisme ne tue pas.
Le patriarcat, lui, oui :
– une femme assassinée tous les trois jours,
– une femme violée ou agressée toutes les sept minutes.
Et puis entre en scène Brigitte Macron.
Venue soutenir son ami avec sa fille, Tiphaine Auzière (avocate), elle écoute Abittan raconter qu’il a eu peur.
Et là, sans détour, elle lâche :
« S’il y a des sales connes, on va les foutre dehors. »
Un langage fleuri, soudainement beaucoup moins « chic français ».
Un langage saturé de mépris, celui qui sent la naphtaline patriarcale, le rance, le réflexe ancien d’un monde qui protège toujours les mêmes hommes, quoi qu’ils fassent.
Ce n’est pas la première fois que le couple présidentiel s’illustre.
Emmanuel Macron avait déjà volé au secours d’un autre homme accusé de multiples violences sexuelles : Gérard Depardieu.
Le Président se disait « admirateur » et affirmait que l’acteur « rend fière la France ».
Là encore : soutien instinctif, pavlovien, aux puissants.
Les femmes, elles, peuvent attendre.
Pendant ce temps, que devient la cause des femmes ?
Toujours plus de féminicides.
Toujours plus de viols.
Toujours plus de coups.
Toujours plus d’agressions.
Et maintenant, une nouvelle insulte, offerte sur un plateau par la Première dame :
Sales connes.
Qu’elle se rassure :
on la prend.
On la retourne.
On en fait un étendard.
Parce que si être une « sale conne » signifie refuser l’impunité, déranger les puissants, interrompre un spectacle pour rappeler qu’une femme a peut-être été brisée…
Alors oui : nous sommes des sales connes.
Nous serons toujours du côté des femmes.
Toujours du côté des victimes.
Toujours du côté de celles que le pouvoir voudrait faire taire.Nous sommes féministes.
Nous sommes des sales connes.