Feignasses, vraiment ? Pourquoi on adore stigmatiser les chômeurs

Quand la réalité sociale disparaît derrière le canapé imaginaire des « profiteurs ».

Jean-Pierre Farandou, actuel Ministre du Travail et des Solidarités, veut « s’attaquer » aux ruptures conventionnelles. Selon lui, plutôt que démissionner ou être licenciés, les salariés préfèrent signer un accord… pour aller toucher le chômage tranquillou pendant un an.
Dans son récit, les gens s’effondrent dans leur canapé, les billets tombent du ciel, et hop : vacances aux frais de la princesse. La vie rêvée, paraît-il.
On se demande presque pourquoi tout le monde n’y pense pas.

On pourrait aller plus loin dans son délire : Ce serait même pratique : plus d’emplois vacants, donc plus de chômeurs de longue durée qu’on pourrait « remettre au travail ».

Pourquoi un ministre du Travail, réputé fin négociateur, peut-il débiter autant d’énormités sans cligner des yeux ?

D’abord, parlons du fantasme absolu : le chômage, cette vie dorée imaginée par ceux qui n’y ont jamais mis un orteil.
Dans la vraie vie, les vrais gens font leurs comptes.
Le chômage, c’est 57 % du salaire. Point.
Quand on a un prêt, des enfants, une facture d’électricité qui explose, et qu’on est seul pour tout porter, perdre quasiment la moitié de ses revenus, ce n’est pas un jackpot. C’est un stress permanent.
Et pendant que Monsieur le Ministre nous explique que nous serions des « feignasses » profitant du système, certains ne dorment pas de la nuit car les calculs sont pas bons, et on ne pourra jamais tout payer, rembourser même en se limitant sur tout. 

Monsieur Farandoux, lui, touchait 450 000 euros par an à la SNCF. Autant dire qu’il a pu se constituer un petit matelas de sécurité.
Au SMIC, on ne met rien de côté. On espère juste tenir.

Ensuite, il y a la réalité du travail.
Les tensions, les pressions, les burn-out, les managers toxiques.
Une rupture conventionnelle, ce n’est pas un cadeau : c’est souvent la seule issue décente pour deux parties épuisées.
Ce n’est ni un caprice, ni une fraude, ni une stratégie.
Et ce sont surtout les petites entreprises qui y ont recours, parce que c’est moins violent qu’un licenciement, plus prévisible, plus humain.

Mais ça, le ministre s’en fiche. Ce qui l’agace, ce n’est pas l’indemnité, c’est l’idée intolérable que ces salariés puissent, horreur absolue, ouvrir des droits au chômage.
Il préfère la brutalité. Le rapport de force.
En clair : pousser des salariés au bout du rouleau à démissionner pour ne rien toucher.
Voilà sa vision de la « bonne gestion » du pays.

Bienvenue dans le monde rêvé du ministre du Travail : plus de pression, plus de casse, plus de salariés broyés. Moins d’indemnisation. Une merveille.

Parce qu’il ne sait pas ce que c’est que d’aller au travail la boule au ventre.
Parce qu’il ne sait pas ce que c’est que d’être au chômage et d’annoncer à ses enfants que non, cette sortie promise, on ne peut pas la payer finalement.

Pendant ce temps, au Sénat, on discute de mesures délirantes pour traquer les demandeurs d’emploi : contrôle des relevés téléphoniques, surveillance des déplacements, intrusion totale dans la vie privée.
Tout ça pour vérifier que ces gens… vivent bien en France.
On marche sur la tête.

Peut-on suggérer que les agents de France Travail se consacrent totalement à accompagner les gens, plutôt qu’à les surveiller comme des criminels ?
Car toutes les études le montrent : les chômeurs veulent sortir du chômage. Pas s’installer sur un canapé imaginaire.

Ne confondons pas chômeur et rentier.
Et surtout : Monsieur le Ministre du Travail, arrêtez de stigmatiser ceux qui subissent déjà assez.
Arrêtez de les accuser.
Et surtout : arrêtez de les insulter.

Auteur-ice

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