LFI vs la social-démocratie : derrière le mythe des “attaques des deux côtés”, ce que la campagne des Européennes a réellement révélé

LFI vs la social-démocratie : derrière le mythe des “attaques des deux côtés”, ce que la campagne des Européennes a réellement révélé
© Marianne Casamance

Ce matin sur France Info, il est question d’une hypothétique dissolution. On se demande si elle reste possible. On se demande si le Rassemblement National obtiendrait dans ce cas la majorité absolue. On se dit que c’est fort probable, la possibilité d’un front républicain s’éloignant peu à peu, notamment parce que depuis le printemps 2024, la gauche s’est divisée au point de ne plus se parler sans s’invectiver. On dit que durant la campagne des Européennes, il y a eu “des attaques des deux côtés”, entre les insoumis-es et le reste de la gauche, notamment la tête de liste PP-PS, Raphaël Glucksmann. Un constat sous forme d’expression toute faite, presque similaire à un réflexe pavlovien de langage visant à éviter l’impression, chez autrui, d’un parti pris journalistique. Une phrase que l’on balance sans même s’en rendre compte. Une phrase que l’on doit à Dorian Dreuil. Et qui se révèle mensongère.

Pourquoi je le sais ? 

Parce que j’ai adhéré à Place publique en février 2024. Une adhésion qui, je le précise, ne saurait me pousser moi-même au mensonge ou à la mauvaise foi en écrivant ces lignes (et toutes les autres, passées et à venir). Car justement, pour moi, l’insincérité, le mensonge, l’abandon à la post-vérité sont des vecteurs clés du déclin démocratique, des causes majeures de la montée des populismes et de l’extrême droite, tant dans notre pays que dans le reste des pays occidentaux.  

Parce que j’ai participé à la campagne des Européennes, tant sur le terrain que sur les réseaux sociaux. Parce qu’à ce moment-là, la consigne était claire : pas d’attaques à gauche, pas d’invectives. Seule comptait la présentation du programme, de la vision que nous avions de et pour l’Europe. Nous avons de fait suivi ces consignes. Nous avons parlé Europe, nous avons parlé humanisme, écologie, social, féminisme. Tout en nous défendant comme faire se peut contre les insultes, mensonges et calomnies dont nous étions quotidiennement la cible. En l’espace de quelques semaines, Raphaël Glucksmann a été accusé, pêle-mêle : 

  • d’être un agent de la CIA ayant été  le « conseiller d’un dictateur ». Une intox également relayée par l’extrême droite, émanant des régimes russe et chinois. 

Sources : 

Mikheil Saakachvili — Wikipédia

Européennes 2024. Raphaël Glucksmann, un agent de la CIA ? Une campagne d’intox est lancée

« L’accusation est caricaturale » : Glucksmann a-t-il travaillé pour un « dictateur » en Géorgie, comme le dit Mélenchon ?

  • d’être, je cite, un “sioniste pro-génocidaire” et ce, sur la seule base de son nom de famille, alors qu’il appelle de ses voeux depuis toujours la reconnaissance d’un État palestinien, qu’il a dénoncé les crimes de Netanyahou et la colonisation de la Cisjordanie, alors qu’il a, toujours et à l’image du positionnement historique de la gauche sur le sujet, milité pour une solution à deux États. Une accusation relayée chaque jour, chaque heure, chaque seconde par les militant-es LFI sur les réseaux et qui a, logiquement, généré des attaques et agressions sur le terrain, tant à l’encontre de Raphaël Glucksmann lui-même, que des militant-es Place publique. Sa responsabilité quant aux violences faites à l’encontre d’un adversaire politique et de militant-es en tous points pacifiques, LFI ne l’admet pas. LFI ment et crie à l’attaque venue d’en face. Ce fut le cas à l’occasion de la manifestation du 1er mai 2024, à Saint Étienne, de laquelle Raphaël Glucksmann s’est retrouvé chassé par des militant-es de la section locale des Jeunesses Communistes…mais également par, au moins, un militant LFI. En outre, comment ne pas faire le lien entre les propos émis par les manifestant-es hostiles, évoquant Gaza et le fait que Glucksmann serait complice d’un génocide en cours, et les attaques et mensonges de la France Insoumise concernant la position de la tête de liste PP-PS quant au conflit israélo-palestinien ?

Sources : 

Face au carnage à Gaza, j’ai voté aujourd’hui avec ma délégation pour un cessez-le-feu immédiat et contre la politique criminelle de Benjamin Netanyahu.

Raphaël Glucksmann : «Depuis le 7 octobre, moi je n’ai pas bégayé» (Université Libé)

«Comme Pedro Sánchez, je soutiens la reconnaissance d’un Etat palestinien», par Raphaël Glucksmann

Daniel Cohn-Bendit et Raphaël Glucksmann : « Comment ne pas voir que la riposte israélienne viole les lois de la guerre et piétine le droit international ? »

L’extrême-droite israélienne annonce le crime en mondiovision, comptant sur le soutien de Trump et sur la passivité internationale. 

  • de recevoir des pots de vin des lobbys au Parlement Européen, alors que ses seuls revenus annexes sont des droits d’auteur provenant de la vente de ses différents livres.

Sources : 

Le PS demande à Manon Aubry de retirer une « fake news » sur la rémunération de Raphaël Glucksmann

VRAI OU FAUX. Les eurodéputés français touchent-ils des revenus complémentaires versés par des lobbies ?

  • d’être un social-traître, de défendre l’ultra-libéralisme et, ce faisant, de n’attirer, au sein de son électorat, que des macronistes. Ces deux affirmations sont fausses. Concernant les reports de voix macronistes, un sondage IFOP (source ci-dessous), notamment, montre que la liste PP-PS aurait en fait surtout attiré les électeurs ayant voté, en 2022, pour Yannick Jadot (72 %), Fabien Roussel (68 %) et Anne Hidalgo (73 %) . Quant aux électeur-ices de Jean-Luc Mélenchon, 31 % ont déclaré, à l’issue de la campagne des Européennes, qu’ils voteraient pour la liste de Raphaël Glucksmann plutôt que pour celle de Manon Aubry.

Pour ce qui est de la ligne de Place publique et, plus généralement, du programme de la liste PP-PS aux Européennes, ils ne prônent en aucun cas le néolibéralisme à tout crin, comme le montrent les sources ci-dessous. Ce procès en social-traîtrise serait corroboré par ses votes au Parlement Européen, soit disant à 90 % similaires à ceux de Valérie Hayer. C’est faux. Il vote à 80 % comme elle…et à 86 % comme les verts. Il vote même à 76 % comme Manon Aubry. En réalité, tous les Députés européens pourraient subir les mêmes accusations, puisqu’ils ont été élus à la proportionnelle et votent sur la base de négociations. 

Sources : 

Européennes 2024 | Le vote Glucksmann : une dynamique encore incertaine | Ipsos

Le programme – Réveiller l’Europe avec Raphaël Glucksmann

Raphaël Glucksmann aux élections européennes : « Je ne suis pas le candidat de la gauche molle »

Européennes : le PS défend « un changement de boussole » face au néolibéralisme | Euractiv FR

Élections européennes : extrême droite, droite, gauche… qui vote quoi au Parlement européen ? – L’Humanité

Comment le Parlement européen prend-il ses décisions ? – Touteleurope.eu

Cette spécificité du Parlement européen, avec sa coalition et son habitude du compromis, représente du pain béni pour la France Insoumise, qui n’hésite pas à mentir sur les votes des socialistes au Parlement européen. Quand le groupe S&D vote comme le PPE (droite européenne) et non la délégation française du groupe, LFI dit que tout le groupe a voté avec la droite. Il arrive aussi parfois que Manon Aubry s’approprie les initiatives… des sociaux-démocrates européens. 

Ce fut entre autres le cas en octobre dernier, au sujet du devoir de vigilance que les socialistes auraient voulu, selon elle, détruire en votant le paquet Omnibus,visant à vider ledit droit de vigilance de toute substance et oubliant, sciemment, de préciser que la délégation socialiste française a voté contre.

Ce faisant, elle n’a pas hésité à se présenter comme initiatrice du devoir de vigilance au Parlement européen. Pourtant, la rapporteure, en 2021, des recommandations à la Commission sur le devoir de vigilance et la responsabilité des entreprises n’était autre que Lara Wolters, membre du groupe S&D, accompagnée de Raphaël Glucksmann, rapporteur pour avis avec Bernd Lange, également membre du groupe S&D.

Source : 

RAPPORT contenant des recommandations à la Commission sur le devoir de vigilance et la responsabilité des entreprises | A9-0018/2021 | Parlement européen

Car bien évidemment, ces invectives et mensonges (encore une fois, souvent similaires aux intox émanant de l’extrême droite) n’ont pas cessé une fois les campagnes des Européennes et des Législatives de 2024. Au contraire. 

Ainsi, à l’occasion du lancement, par Place publique, de l’acte 1 de sa vision pour la France, La France Insoumise  a publié, sur son site, un comparateur de programmes, censé montrer les différences entre le projet du parti de Raphaël Glucksmann et d’Aurore Lalucq et celui de la France Insoumise, visant à décrédibiliser le travail de Place publique. Un comparateur mensonger, allant jusqu’à affirmer le contraire de ce qui est affiché, noir sur blanc….dans ce même comparateur. 

Programme de Glucksmann : un autre Macron est possible ! 21 des 30 mesures d’urgence du Nouveau Front Populaire ont disparu du programme de Place Publique.Retrouvez le comparateur de programme sur le site : programme.lafranceinsoumise.fr/comparateur-…

La France Insoumise (@lfi.bsky.social) 2025-06-30T17:34:31.630Z

Par exemple, dans les copies d’écran du comparateur ci-dessous, on voit : 

  • Un extrait du projet de Place publique, préconisant de “revenir sur le dogme de la concurrence libre et non faussée pour favoriser l’émergence de champions européens dans les secteurs définis comme stratégiques ». 
  • Une phrase affirmant que Place publique n’évoque « pas de sortie explicite du dogme de la libre concurrence, ni de remise en cause frontale des traités européens qui l’imposent ».

Sources : 

Le programme de Raphaël Glucksmann et celui de L’Avenir en commun | La France Insoumise

Notre vision pour la France – Place publique

Place publique et le Parti Socialiste ne sont pas les seuls partis à subir les calomnies de la France Insoumise. Le PCF et les membres de L’Après (et même parfois les Écologistes) les ont subies aussi. Et continuent de les subir. 

Sources : 

Roussel comparé à Doriot : le PCF condamne « l’appel à la haine » de Sophia Chikirou – L’Humanité

« Ruffin réac », « Tondelier raciste »… A Pantin, les coulisses délirantes du meeting de la gauche de « rupture » – L’Express

Ruffin excommunié

Alexis Corbière a-t-il traité Mathilde Panot de «poissonnière» au meeting de Montreuil ? – Libération

« On a voulu lui dire stop » : les dessous de la mise au banc de Raquel Garrido à LFI – Le Parisien

La France Insoumise n’a que faire du peuple. La France Insoumise n’a que faire de la démocratie. Au fond, cette démocratie, pour Jean-Luc Mélenchon, représente plutôt un frein à son ascension à l’Elysée. Candidat et battu déjà à trois reprises, 2027 est, pour lui, l’élection de la dernière chance pour se retrouver au second tour face au Rassemblement National. Ce duel, il en rêve depuis des années. Pourtant, ce duel sera l’assurance de voir l’extrême droite arriver à la tête du pays. Mais il n’en a que faire. Alors, depuis la dissolution de juin 2024, LFI ne rêve que d’une chose : une présidentielle anticipée, qu’elle compte provoquer en poussant Emmanuel Macron à la démission. Que cette démission crée un précédent capable de saper définitivement notre démocratie (“Un président ne nous plaît pas ? Poussons-le à la démission, les élections c’est surfait”), LFI s’en fiche. Seul objectif à court et moyen termes : détruire toute possibilité d’une offre alternative à gauche. 

De tout temps les politiques ont usé et abusé de la langue de bois, de semi-vérités, de promesses non tenues. J’en ai conscience. Mais est-ce le travail des journalistes de partager, sans les contredire, les mensonges des politiques aux électeur-ices français-es ?

Lorsqu’en 2027 le Rassemblement National prendra le pouvoir, porté comme jamais par les intox politiques et journalistiques, serez-vous fier, cher Dorian Dreuil, d’avoir participé au saccage de notre démocratie, au profit de l’accession au pouvoir d’un parti réactionnaire et illibéral ? Serez-vous satisfait du travail accompli quand Jordan Bardella sera Président, Marion Maréchal Première ministre et Thierry Mariani Ministre des affaires étrangères ? Quand l’Europe sera définitivement livrée à l’Amérique de Trump et à la Russie de Poutine ? Quand il sera illégal d’être homosexuel ? Quand l’IVG sera interdit ? Quand, à l’école, on apprendra à nos enfants que c’est Dieu qui a créé l’univers, que la femme doit se soumettre à l’homme ? Quand les personnes d’origine étrangère se retrouveront chassées de notre sol, en ayant subi, au préalable, une discrimination et des violences sans précédent ? Quand nous serons plus que jamais envahis de produits chinois, polluant et dangereux, quand nos entreprises feront faillite les unes après les autres, quand les plus démunis se retrouveront sans même de quoi survivre chaque jour ? Quand toutes les associations seront dissoutes, quand le mot “liberté” sera devenu l’illusion d’un souvenir lointain ? 

Auteur-ice

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