Georg Elser, un des plus fervents opposants à Hitler

Georg Elser, un des plus fervents opposants à Hitler
Georg Elser © Archives de l’État de Bavière

8 novembre 1939. Un charpentier du Bade-Wurtemberg tente seul d’arrêter la folie nazie. Il échoue à quelques minutes près.
À l’occasion de la date anniversaire de sa tentative d’attentat contre Hitler, Aurélien Murena rend hommage à Georg Elser, cet homme ordinaire qui, face à la barbarie, choisit de résister.

Le 8 novembre 1939, un homme seul, un simple charpentier, a mené l’une des plus remarquables tentatives de résistance contre les nazis et Adolf Hitler. S’il a malheureusement échoué à quelques minutes près, sa tentative nous rappelle à quel point il est essentiel, dans les temps sombres, de toujours lutter contre l’autoritarisme et l’oppression.

Georg Elser (4 janvier 1903 – 9 avril 1945) était originaire de Königsbronn, une petite ville de l’État allemand du Bade-Wurtemberg. Né de parents travaillant dans la vente du bois, il a vécu une enfance difficile, subissant les violences de son père alcoolique. Il a dû rapidement apprendre à travailler pour subvenir aux besoins de sa famille. Doué pour le dessin et l’artisanat, il est devenu charpentier et en a fait son métier. Indépendant, il a pu ainsi s’affranchir de sa famille et travailler où bon lui semblait. Il y a cultivé sa soif de liberté, sa passion pour dessiner les autres et une grande ouverture d’esprit. Il était également connu pour sa passion pour la musique et savait jouer de nombreux instruments. On le retrouvait dans de nombreux concerts locaux, toujours prêt à aider les autres. En mai 1932, il est retourné définitivement à Königsbronn pour aider son père, trop malade pour assurer l’entretien de sa famille, et décide de s’y fixer. Il y a rencontré le dernier grand amour de sa vie, Elsa Härlen.

Toutes les personnes qui l’ont connu le décrivent comme quelqu’un d’attaché à la liberté individuelle et à la défense d’autrui. Il fut particulièrement investi dans le syndicat des menuisiers de son État. Il a adhéré en 1928 à la Ligue des combattants du front rouge, une organisation politique communiste. Il a voté à toutes les élections, jusqu’à l’arrivée d’Hitler, pour le Parti communiste allemand (KPD).

Le parti nazi était déjà bien implanté dans sa région dès 1922, et on sait que, dès le début, il s’est opposé aux leaders nazis locaux. Quand Hitler est arrivé au pouvoir en 1933, il a refusé systématiquement de participer aux manifestations nazies obligatoires de sa ville. Il n’a jamais fait le salut hitlérien, même sous la violence ou la pression. Il s’est isolé avec le temps de ses amis et de l’orchestre de sa ville, et fut rapidement ostracisé, mais il a toujours préféré garder ses convictions.

On sait que, dès 1938, il a décidé d’éliminer les dirigeants nazis pour empêcher la guerre qui semblait proche. Georg Elser savait qu’Hitler prenait la parole chaque année à la Bürgerbräukeller de Munich le 8 novembre, date anniversaire de sa tentative de putsch avorté de 1923.

Elser a lu de nombreux journaux et revues nazies sur cette journée, a fait des dessins avant de décider d’observer les lieux à Munich. À sa grande surprise, il est parvenu assez facilement à s’introduire dans la salle, qui n’était pas surveillée. Il a remarqué un pilier porteur proche de la tribune où Hitler faisait son discours, idéal pour y dissimuler la bombe.

Pendant des semaines, il s’est rendu dans la salle en secret le soir, pour installer et dissimuler l’engin explosif. Il est remarquable que, pendant des semaines, il ait pu ainsi pénétrer les lieux sans se faire prendre. Il connaissait l’heure et le temps habituel que prenait Hitler pour faire son discours et a programmé la bombe pour qu’elle explose vers le milieu du discours du Führer.Mais malheureusement, le 8 novembre 1939, Hitler a abrégé son discours et a quitté la salle quelques minutes seulement avant l’explosion, échappant ainsi à la tentative d’assassinat. Ce fut le début d’une longue série qui se poursuivra jusqu’à sa mort en 1945.

Au même moment, Georg Elser est arrêté à la frontière suisse. Plusieurs objets, dessins et croquis qu’il portait sur lui ont attiré l’attention des douaniers. Il fut rapidement remis à la police, qui fit le lien avec l’attentat de Munich.

Après plusieurs jours d’interrogatoire, Elser a avoué son crime, insistant à plusieurs reprises sur le fait qu’il avait voulu instaurer la paix en Europe en éliminant Hitler et les autres dirigeants nationaux-socialistes. Après une longue période d’isolément, Georg Elser fut assassiné sur ordre personnel d’Hitler au camp de concentration de Dachau le 9 avril 1945, quelques semaines seulement avant la fin de la guerre.

Après la fin de la guerre, la famille de Georg Elser est restée sans nouvelles de lui. Il ne fut déclaré mort qu’en 1950. Sa famille n’a reçu aucune indemnisation pour son emprisonnement ni pour son décès. Jusqu’à sa mort en 1960, sa mère, Maria Elser, a dû se défendre à maintes reprises contre les accusations selon lesquelles son fils aurait été un instrument du régime nazi. D’anciens compagnons de captivité et gardiens ont soutenu cette version sur la base de prétendues conversations avec Elser. En réalité, ni Martin Niemöller ni l’agent du renseignement britannique Payne Best n’ont eu de contact étroit avec Elser. Ils n’ont fait qu’amplifier des rumeurs entendues en prison.

Pendant de nombreuses années, même de nombreux historiens et journalistes ont considéré Georg Elser comme une personne travaillant pour un des services de l’État nazi. Alors que des anciens nazis comme Rudolf Höss, Albert Speer, Felix Kersten publiaient seul ou avec des journalistes leurs mémoires, devenant des célébrités littéraires, la mémoire de Georg Elser elle était salie. Dans les années 1960 l’historien munichois Lothar Gruchmann a découvert les transcriptions des interrogatoires d’Elser dans les archives du ministère de la Justice du Reich, dévoilant la vraie personnalité et le rôle central et solitaire de Georg Elser. Au même moment, son collègue Anton Hoch publiait une analyse de toutes les sources alors connues sur la tentative d’assassinat, qui démontrait clairement la responsabilité exclusive d’Elser et réfutait toutes les rumeurs. Mais ce n’est que dans les années 1980 et 1990 qu’un véritable hommage a été rendu à Georg Elser, notamment par la création du Mémorial Georg Elser à Königsbronn. Des places, des rues et des écoles ont été baptisées en son honneur ; des monuments ont été érigés. On a commencé à parler de lui dans les médias en Allemagne, à faire des documentaires, un film, à l’enseigner à l’école. Il occupe aujourd’hui une place centrale au mémorial de la résistance allemande à Berlin.

Georg Elser
Georg Elser et l’officier de la Gestapo Friedrich Panzinger lors d’interrogatoires au 8 Prinz-Albrecht-Straße à Berlin, novembre 1939. Source : « Illustrierter Beobachter », 1939, numéro 48, p. 1707 © Archives d’État de Bavière

Si l’on se souvient davantage de l’attentat à la bombe du 20 juillet 1944 contre Adolf Hitler et de son leader Stauffenberg, sans remettre en cause l’importance de ce dernier, je pense que la tentative de Georg Elser nous parle davantage aujourd’hui. Nous sommes nombreux à nous sentir démunis face à l’évolution de notre monde et au retour de l’extrême droite dans toutes nos démocraties. En soi, Georg Elser est plus proche de nous, qu’un des militaires du 20 juillet 1944. Il était un homme libre, épris de justice et de liberté, proche des autres, un artiste amateur talentueux. Il n’acceptait pas les changements se déroulant dans l’Allemagne des années 30. Il ne voulait pas d’une guerre mondiale.

Seul, il a démontré que c’était peut-être possible de changer les choses. La mort d’Hitler n’aurait peut-être pas empêché la Seconde Guerre mondiale et la Shoah, mais elle aurait été un symbole fort contre les nazis. Que cet homme inconnu des services de sécurité du Reich allemand, un simple charpentier comme on peut le lire dans les rapports des archives de la police allemande, ait été si proche de réussir dépasse l’entendement.

C’est pour cette raison, d’ailleurs, que la majorité des nazis qui l’ont interrogé n’ont jamais cru à l’attentat mené par un homme seul. C’est aussi pour cette raison qu’après la guerre, il a été difficile de donner une juste place à son acte. Pourtant, c’était simple : Georg Elser était juste un héros ordinaire, mais un héros.

Sources: 

georg-elser.de

Adolf Hitler: Er überlebte alle Attentate | MDR.DE

Georg Elser – Wikipedia

Georg Elser Halle in Hamburg

GDW-Berlin: Supplementary material in English

Joachim Fest, La résistance allemande  à Hitler, Perrin, 1994.

Gestapo im OP : Bericht der Krankenhausärztin Charlotte Pommer, Berlin 2013, Lukas Verlag

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